Eruditio Antiqua 9 (2017) : 33-44
UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES DÉCOUVERT À LYON
EN MARS 2015
MURIEL PARDON-LABONNELIE (UNIVERSITÉ BOURGOGNE – FRANCHE-COMTÉ, LAMS)
TONY SILVINO (ÉVEHA)
CATHERINE LAVIER (LAMS UMR 8220)
MARLÈNE AUBIN (LAMS UMR 8220 – MONARIS UMR 8233)
RÉMI BRAGEU (LAMS UMR 8220)
ELSA VAN ELSLANDE (LAMS UMR 8220)
Résumé
Un nouveau cachet à collyres, découvert à Lyon en mars 2015, présente des caractéristiques
mὁrphὁlὁgiques et épigraphiques particulièremeὀt iὀtéressaὀtes pὁur l’histὁire de
l’ὁphtalmὁlὁgieέ
Abstract
A new collyrium stamp, discovered in Lyon in March 2015, exhibits morphological and
epigraphic characteristics which present crucial data for the history of ophthalmology.
www.eruditio-antiqua.mom.fr
MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL.
UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES
Daὀs l’Aὀtiquité grécὁ-romaine, on prescrivait des « collyres », c’est-à-dire
des « petits pains »1. Avant durcissement, ces « collyres » étaient estampillés à
l’aide de « cachets ».
Les « cachets à collyres » (appelés aussi « cachets d’ὁculistes ») sont
habituellement de petites pierres parallélépipédiques vertes, utilisées dans tout
l’empire rὁmaiὀ durant les premiers siècles de notre ère. Les petites faces de ces
tampons comportent des inscriptions gravées en caractères rétrogrades. Après
impression, ces sortes de notices médicales étaient lisibles directement sur les
remèdes.
Lors de fouilles préventives menées par Éveha entre février et avril 2015,
Tony Silvino a découvert un nouveau cachet à collyres dans le V e arrondissement
de Lyon (1, rue Appian). Cette pierre sigillaire est, à notre connaissance, le trois
cent quarante-sixième cachet receὀsé à l’heure actuelle2. Elle fait actuellement
l’ὁbjet d’aὀalyses physicὁ-chimiques au δabὁratὁire d’Archéὁlὁgie εὁléculaire
et Structurale (LAMS, UMR 8082 – Université Pierre et Marie Curie).
Caractéristiques minéralogiques
Marlène Aubin3 a analysé ce cachet par micro-diffraction des rayons X.
Cette pierre a été taillée dans le même minéral que les vingt-neuf pierres
analysées par Philippe Walter4, Yvan Coquinot5, Elsa Van Elslande et Hélène
Rousselière6 au Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France
(C2RMF, Paris), au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale de France
(Paris) et au musée archéὁlὁgique d’Este (Véὀétie)έ Ce miὀéral est
vraisemblablement de la grauwacke (ou graywacke) à grain finέ Daὀs l’Égypte
ancienne, il était extrait dans la carrière de Wadi Hammamat, le long de la route
1
Cf. PARDON-LABONNELIE 2013.
2
Iὀveὀtaire eὀ cὁurs d’élabὁratiὁὀ daὀs le cadre de la préparatiὁὀ de l’Habilitatiὁὀ à Diriger
des Recherches de Muriel Pardon-Labonnelie.
3
Doctorante en chimie analytique au δabὁratὁire d’Archéὁlὁgie εὁléculaire et Structurale
(LAMS, UMR CNRS 8220 – Université Pierre et Marie Curie) et au laboratoire « De la
Molécule aux Nano-objets : Réactivité, Interactions et Spectroscopies » (Monaris, UMR 8233
– Université Pierre et Marie Curie).
4
Directeur de recherche au LAMS.
5
Iὀgéὀieur d’études au Centre de Recherche et Restauration des Musées de France (C2RMF).
6
Iὀgéὀieurs d’études au C2RMF, puis au LAMS.
Eruditio Antiqua 9 (2017)
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MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL.
UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES
reliant la mer Rouge au Nil, et servait notamment à façonner les palettes à fards et
les scarabées de cœur7.
Caractéristiques morphologiques
Le dernier cachet à collyres exhumé, complet, est parallélépipédique8. Ses
dimensions hors-tout sont 42 x 25 x 9 mm. Contrairement à la majorité des
exemplaires actuellemeὀt receὀsés, ce ὀ’est pas uὀ parallélépipède régulierέ Peutêtre la pierre a-t-elle été retaillée eὀ vue d’uὀ réemplὁi ὁu pὁur faciliter la
préhension du cachet au moment de la prise des empreintes sur les collyres.
Trois inscriptions figurent sur trois des quatre chants9 de la pierre. Des
séries de lettres, réparties sur deux lignes, ont été gravées en caractères
rétrogrades sur deux chants. Une lettre est directement lisible sur le troisième
chant.
δes deux plats ὀ’ὁὀt pas le même aspectέ δ’uὀ est lisse et présente des traces
d’usure visibles à l’œil ὀu10έ δ’autre est rugueux et a reçu des chὁcs qui ὀ’ont pas
été faits par des outils, mais qui résultent peut-être d’uὀe chute11. Tous deux ont
des arêtes chanfreinées contiguës aux chaὀts pὁurvus d’iὀscriptiὁὀs gravées eὀ
caractères rétrogrades : très légères sur le plat lisse, ces arêtes sont très marquées
sur le plat rugueux.
La pierre présente enfin une perforation. Il semble que le tailleur ait percé le
cachet comme une perle : il a vraisemblablement fait un trou de chaque côté de la
pierre à l’aide d’uὀe sὁrte de fὁret, puis prὁlὁὀgé et réuὀi les deux trous initiaux à
l’aide d’uὀe limeέ
Cette perforation est une particularité morphologique notable. En effet, à
ὀὁtre cὁὀὀaissaὀce, ὀὁὀ seulemeὀt il ὀ’y a que six cachets perfὁrés sur les trὁis
7
Cf. WALTER – PARDON-LABONNELIE – VAN ELSLANDE – TSOUCARIS 2013, p. 83-95, pl. XIXIII.
8
Voir figure 1 (cliché Rémi BRAGEU, LAMS).
9
δe vὁcabulaire utilisé daὀs l’imprimerie ὀὁus a semblé aὀachrὁὀique et iὀapprὁprié pὁur
distinguer et pour décrire les différentes faces des cachets μ l’esseὀtiel des iὀfὁrmatiὁὀs est
apporté par les « tranches » des cachets et nous ne sommes pas encore en mesure de
distinguer systématiquement leur « face supérieure » et leur « face inférieure ». Par
commodité, nous avons donc provisoirement recouru au lexique employé par les artisans et
désigné les grandes faces comme des « plats » et les petites comme des « chants ».
10
Voir figure 2 (cliché Rémi BRAGEU, LAMS).
11
Voir figure 3 (cliché Rémi BRAGEU, LAMS).
Eruditio Antiqua 9 (2017)
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MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL.
UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES
cent quarante-six cachets receὀsés à l’heure actuelle12, mais la position quasiment
centrale du trou est même sinon unique, du moins exceptionnelle13.
On pourrait penser que ce cachet a été porté en pendentif comme amulette.
Cepeὀdaὀt, l’emplacemeὀt du trὁu et l’abseὀce de traces d’usure sur sὁὀ pὁurtὁur
indiquent que la pierre a été suspendue à un endroit fixe, sans doute pour pouvoir
être retrouvée plus facilement dans une officine, au moment opportun. Cette
perfὁratiὁὀ mὁὀtre eὀ tὁut cas que l’utilisateur du cachet ὀ’exerçait pas uὀe
profession itinérante.
Caractéristiques épigraphiques
δ’iὀscriptiὁὀ dὁὀt le vὁlume est le plus impὁrtaὀt a été gravée sur le plus
grand chant14. Le tracé de ses caractères est moins profond et plus large que le
tracé des caractères gravés sur les quarante-six cachets conservés au Cabinet des
médailles.
Le texte, lisible sur les photographies en haute définition prises par Rémi
Brageu15, peut être transcrit de la façon suivante :
ASICIANIύ̣RATIẠ̣͡ ←16
PAREGORICADIε͡P ̣ ←
C’est l’usure du plat lisse qui semble avὁir fait disparaître la partie
supérieure de la lettre ύ̣ de la première ligne.
Les caractères ont été gravés à partir d’uὀ dὁuble réglage préparatὁireέ Ce
réglage étant plus profond à droite qu’à gauche et des lettres ligaturées (Ạ̣͡ et
ε͡P ̣) concluant les deux lignes de caractères à gauche, les inscriptions ont été
gravées de droite à gauche.
Les ligatures en fin de ligne montrent que les caractères ont été gravés sans
tracé préalable. Cependant, comme le double réglage préparatoire, les
empattemeὀts, la verticalité des fûts, l’hὁrizὁὀtalité des traverses aiὀsi que la
régularité des arrondis, des diagonales incurvées des R et des pointes des A
attesteὀt le sὁiὀ appὁrté à l’exécutiὁὀ de l’iὀscriptiὁὀέ
Le texte peut être transcrit et développé de la façon suivante :
12
Voir VOINOT, p. 72 (n° 21), 103 (n° 52), 104 (n° 53), 123 (n° 73), 155 (n° 104).
13
Il est possible que la perforation du cachet n° 21 soit centrale (VOINOT, pέ ιβ), mais il ὀ’est
pas eὀcὁre pὁssible de l’affirmer car le cachet est eὀcὁre réputé perdu à ce jὁurέ
14
Voir figure 4 (cliché Rémi BRAGEU, LAMS).
15
Iὀgéὀieur système et dévelὁppemeὀt d’applicatiὁὀs scieὀtifiques et imagerie γD au δAεSέ
16
Signe diacritique utilisé par Luigi Taborelli et Silvia M. Marengo pour indiquer que les
inscriptions sont rétrogrades. Voir par exemple TABORELLI – MARENGO 2017.
Eruditio Antiqua 9 (2017)
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MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL.
UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES
A(uli) SICIANI ύ̣RATIẠ̣͡(i) | PAREGORIC(um) AD Iε͡P ̣(etum) ←
« De Aulus Sicianus Gratianus, calmant, pour un accès. »
Tripartite, le ὀὁm prὁpre attesté est celui d’uὀ citὁyeὀέ Au géὀitif, il désigὀe
l’iὀveὀteur du remède ὁu, plus vraisemblablemeὀt, le praticien qui a confectionné
et estampillé le collyre. Le praenomen Aulus et le nomen Sicianus sont courants
dans le monde romain. Comme la majorité des noms de praticiens attestés sur les
cachets à collyres, le cognomen ύratiaὀus ὀ’a saὀs dὁute pas été chὁisi par hasard
puisqu’il est dérivé de l’adjectif gratus17 (« agréable »).
Le nom du remède, paregoricum (« calmant »), rend le cachet
particulièremeὀt iὀtéressaὀt daὀs la mesure ὁù ce terme ὀ’avait pas d’attestatiὁὀ
épigraphique jusqu’à préseὀtέ Paregoricum figure, comme nom de remède, dans
les textes médicaux latins attribués au Pseudo-Apulée, à Marcellus Empiricus et à
Théodore Priscien18 (actifs au IVe et au Ve siècles de notre ère) et, comme nom de
collyre, dans les ouvrages médicaux grecs attribués à Aétius d’Amida19 et à
Alexandre de Tralles20 (actifs au VIe et au VIIe siècles de notre ère).
D’après l’iὀscriptiὁὀ gravée sur le cachet exhumé des sous-sols de Lyon, le
collyre « calmant » est prescrit ad imp(etum) « pour un accès » (d’affectiὁὀ
oculaire). De même, Aétius d’Amida recὁmmaὀde le cὁllyre calmaὀt pὁur tὁute
inflammation et Alexandre de Tralles prescrit le collyre calmant mou et très doux
pὁur les patieὀts qui ὀe peuveὀt pas suppὁrter la prise de cὁllyresέ D’ailleurs, les
deux recettes proposées dans les textes médicaux grecs cὁὀtieὀὀeὀt de l’ὁpium, uὀ
sédatif qui eὀtre eὀcὁre daὀs la cὁmpὁsitiὁὀ de l’élixir parégὁrique actuellemeὀt
prescrit pὁur cὁmbattre la diarrhéeέ δ’attestatiὁὀ épigraphique de ce ὀὁm de
17
Voir KAJANTO 1965, p. 282 ; SOLIN 1995, p. 119-142 ; SOLIN 1998-1999, p. 389-393.
18
PS.-AP., herb. 24 ; MARCELL., med. 36, 3 ; THEOD. PRISC., eup. faen. 2, 2, 86 ; 2, 33, 109.
19
AËT. 7,106 (Olivieri, CMG VIII 2, p. 369-370) μ Κ
ῦ Β ᾶ πα
ὸ π ϲ ϲ
φ
ῆϲ αὶ ϲυ π π
έΨ υ ί υπ π υ
υξ
υ ξ ʹ πί υ ξ ʹ ἀ
υ
π ϲφ υ ξ
ωϲ < ʹ, ὕ ω (« Collyre de Bolas, qui calme toute inflammation et
qui fait digérer. 32 drachmes de céruse lavée ; 3 drachmes de safran ν 4 drachmes d’ὁpium ; 8
drachmes d’amidὁὀ frais ; 32 drachmes de gomme ; eau »).
20
ALEX. TRALL. (Puschmann II, p. 9) μ Κ
πα
ὸ
υφ ὸ π ὸ
ὺ ὴ
υ α
υ φ
ὴ ῆ
υ ίω αὶ
απ ὸ ὰ π
φ υ α
έ
Κα ία
αυ
αὶ ἐ
α
υ α ὸ
αχέ ϛʹ·ἔ
ὲ
ἐφ
π απ π π υ
αῦ α αὶ ὕ ω α α
α
α έ Ψ
ί υ π π υ
υ ϛʹ
υ αχέ ʹἐ ἄ ῳ αʹ πί υ αχέ ʹ α α
ὐ έ ʹὕ α
ίῳ ἀ α
α ·
ἡχ ῆ
’ ὠ ῦ (« Collyre calmant doux pour ceux qui ne peuvent pas supporter la prise de
collyres et surtout pour les états pathologiques récents. 16 drachmes de cadmie brûlée et
éteinte par du lait de femme ν il serait préférable, à mὁὀ avis du mὁiὀs, qu’elle sὁit lavée
avaὀt d’être brûlée et éteinte ainsi par le lait. 16 drachmes de céruse lavée ; 4 drachmes de
safran ν 1 drachme d’ὁpium, 4 drachmes daὀs uὀe autre recette ; 2 onces de gomme
adragaὀteέ Preὀds de l’eau de pluie cὁmme excipieὀtέ Utilisatiὁὀ avec de l’œuf »).
Eruditio Antiqua 9 (2017)
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MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL.
UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES
collyre invite ainsi à réfléchir sur les modes de transmission du savoir médical
dans le monde romain21.
Il faut retourner le cachet pour lire le texte qui figure sur son chant contigu
de droite22. La transcription de cette deuxième inscription est la suivante :
GRATI*ṢẠ ←
CTVDCVYCI ←
Le tracé de ces caractères est aussi peu profond et aussi large que celui des
caractères de la première inscription, mais il est en revanche irrégulier et peu
lisibleέ ύravé saὀs réglage préparatὁire, ce texte ὀ’est pas l’ὁeuvre de la même
main que le premier. Les empattements du premier T de la première ligne, qui
sembleὀt fὁrcés, aiὀsi que l’arrὁὀdi du D de la secὁὀde ligὀe, qui a été gravé eὀ
deux temps, dénotent peut-être un manque de savoir-faire en lithogravure. Seul le
premier T ayant des empattements, il semble que cette inscription a été exécutée
par deux individus.
Pὁur le mὁmeὀt, seul le début de l’iὀscriptiὁὀ dὁὀὀe lieu à uὀe traὀscriptiὁὀ
développée compréhensible :
GRATI(ani)*ṢẠ|C̣TV(m) ←
« De Gratianus, stactum. »
Si l’iὀscriptiὁὀ semble avὁir été gravée par deux individus, le cachet paraît
avoir été utilisé par un seul et même praticien. Ce chant étant restreint, les tria
nomina sὁὀt réduits à l’abréviatiὁὀ du cognomen. Le nom du praticien est suivi
d’uὀ mὁtif séparatif, uὀ sigὀe eὀcὁre mystérieux, qui figure égalemeὀt sur l’uὀ
des plats d’uὀ cachet exhumé à Bavay23. Enfin, le terme stactum est la
traὀslittératiὁὀ latiὀisée d’uὀ ὀὁm grec de cὁllyre « au vitriol »24.
Les photographies en haute définition ne permettent pas de lire ensuite en
ligature la préposition attendue ad (« pour ») et la série finale de lettres est pour le
mὁmeὀt difficile à cὁmpreὀdreέ δ’iὀterprétatiὁὀ la mὁiὀs faὀtaisiste cὁὀsiste à
retourner le cachet pour lire deux A sans traverse, un lambda minuscule, un C
tracé pour un G et un I souscrit. En restituant un I après le lambda minuscule, on
peut lire ΛD CΛλ[I]CI(nem), pour ad cal[i]gi(nem) (« pour le brouillard »). Cette
21
Voir PARDON-LABONNELIE 2009.
22
Voir figure 5 (cliché Rémi BRAGEU, LAMS).
23
Voir VOINOT 1999, p. 262 (n° 211).
24
Sur les attestations et sur le sens de ce nom de collyre, voir PARDON-LABONNELIE 2014,
p. 112-114.
Eruditio Antiqua 9 (2017)
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MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL.
UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES
expression désigne un effet thérapeutique escompté par la prescription de collyres
stactum25.
Sur le chant opposé à cette deuxième inscription figure un G directement
lisible26. La facture de ce caractère diffère de celle des G inscrits sur les deux
autres chants : il a donc été gravé sinon par une quatrième, du moins par une
troisième main. On trouve parfois des initiales de noms propres gravées en
caractères rétrogrades sur les chants et en caractères directs sur les plats des
cachets. Ils désignent les propriétaires ou les utilisateurs des pierres27. Ainsi, ce G
est très vraisemblablemeὀt de l’iὀitiale du cognomen Gratianus : il servait à
repérer un praticien de réputation locale et non l’illustre iὀveὀteur d’uὀe recette de
collyres paregoricum et stactum.
Enfin, le quatrième chant du cachet présente une ébauche de trait séparatif
d’uὀ côté et uὀe ébauche de dὁuble réglage préparatὁire de l’autre 28. Il est peutêtre anépigraphe en raison de son étroitesse et de l’irrégularité de sa fὁrme.
Datation
Ce cachet a été trouvé dans une parcelle du suburbium ouest de Lugdunum,
dans un bâtiment artisanal qui a servi de zone de rejet dans le second quart du
IVe siècle de notre ère. Ce contexte archéologique ne permet pas de le dater car on
trouve, dans ce dépotoir, un mobilier très hétérogène, comprenant des éléments
résiduels du Ier siècle de notre ère. Seuls les attestations tardives du terme
paregoricum et le tracé inhabituel des lettres rétrogrades29 tendraient à confirmer
une datation du cachet correspondant au contexte archéologique du second quart
du IVe siècle de notre ère.
Analyse des substances résiduelles
Elsa Van Elslande a observé à la loupe binoculaire les résidus de matière
conservés au bord du trou de suspension et dans les inscriptions rétrogrades.
Comme les premiers semblaient constitués de grains moins fins que les seconds,
25
Voir VOINOT 1999, p. 58 (n° 7b), 102 (n° 51b), 113 (n° 62b), 194 (n° 143d), 223 (n° 172a) et
249 (n° 198b).
26
Voir figure 6 (cliché Rémi BRAGEU, LAMS).
27
Voir VOINOT 1999, p. 169 (n° 118), 208 (n° 157), 214 (n° 163), 318 (n° 267).
28
Voir figure 7 (cliché Rémi BRAGEU, LAMS).
29
Les études tracéologiques préliminaires de Catherine Lavier portent sur la collection des
quarante-six cachets conservés à la BnF, en dépôt sur le site de Tolbiac, pendant les travaux
de restauration du site de Richelieu, à compter du 1 er avril 2016.
Eruditio Antiqua 9 (2017)
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MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL.
UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES
elle a fait deux micro-prélèvements μ d’abord dans les résidus de matière
conservés au bord du trou de suspension ; ensuite dans les lettres finales des deux
ligὀes de l’iὀscriptiὁὀ la mὁiὀs lisibleέ
Un nouvel examen au microscope optique, à plus fort grossissement, sous
lumière blanche puis sous lumière ultra-violette, a révélé que les substances
résiduelles prélevées étaient vraisemblablement, dans les deux cas, des restes de
matière d’eὀfὁuissemeὀtέ
Catherine Lavier effectuera donc un micro-nettoyage du cachet en août
2016 afin de rendre les inscriptions plus lisibles et de prendre des mesures de
haute précision dans les gravures. Les résidus de matière extraits des bords de la
perfὁratiὁὀ et des iὀscriptiὁὀs serὁὀt cὁὀservés à des fiὀs d’aὀalyses
complémentaires potentielles.
Conclusions préliminaires
La décὁuverte de ce cachet cὁrrὁbὁre l’impὁrtaὀce accὁrdée au sὁin des
yeux dans le Lyon antique. Ce cachet est le cinquième découvert dans la capitale
des Gaules, après les cachets de Hirpidus Polytimus et de Ferox, trouvés dans la
Saône, en amont du Pont du Change et près de la Passerelle Saint-Vincent30, et les
cachets de C. Iulius Lunaris et de M. Sulpicius, trouvés dans les quartiers
limitrophes de Vaise et de la Sarra31. Ce cachet a surtout été trouvé à cinq cent
mètres de la tombe où a été exhumé un coffret comportant les restes de vingt
collyres, daté de la fin du IIe ou du début du IIIe siècle après J.-C.32
Ce cachet a été trouvé dans un contexte archéologique qui ne permet pas de
dater son utilisation. Cependant, ses caractéristiques morphologiques et
épigraphiques nous donnent de précieuses informations sur son mode de gravure
et d’utilisatiὁὀ33. De forme inhabituelle, perforé en son centre, il présente
probablement quatre écritures différentes, dont deux sur un seul et même chant. Il
ὁffre l’attestatiὁὀ épigraphique d’uὀ ὀὁm de cὁllyre uὀiquemeὀt cὁὀὀu jusqu’à
préseὀt par deux textes médicaux grecs tardifsέ Eὀfiὀ, il cὁrrὁbὁre l’hypὁthèse
selὁὀ laquelle le ὀὁm prὁpre attesté au géὀitif ὀ’est pas celui d’uὀ célèbre
iὀveὀteur de recettes de cὁllyres, mais celui d’uὀ praticieὀ de reὀὁmmée lὁcale,
qui confectionnait des remèdes dans une officine, peut-être à des fins mercantiles.
30
Voir VOINOT 1999, p. 124 (n° 73) et 167 (n° 116). Le cachet de Hirpidus Polytimus comporte
également deux trous et une trace de suspension.
31
Voir VOINOT 1999, p. 210 (n° 159) et 303 (n° 252).
32
BOYER – BEL – TRANOY et al. 1990, p. 236.
33
δ’étude de ce cachet fait l’ὁbjet d’uὀ cὁurt-métrage intitulé « Le 346e cachet à collyres », en
ligὀe à l’adresse [httpμ//videὁthequeέcὀrsέfr/dὁcο4κηκ] aiὀsi que d’uὀe séqueὀce du
documentaire
intitulé
« δ’œil
et
la
pierre »,
eὀ
ligὀe
à
l’adresse
[http://videotheque.cnrs.fr/doc=6318].
Eruditio Antiqua 9 (2017)
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MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL.
UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES
δes aὀalyses tracéὁlὁgiques prὁgrammées au δAεS pὁur l’été β01θ
devraient fournir des informations complémentaires sur les modalités de la taille,
de la perfὁratiὁὀ, de la gravure, de l’usage et de l’usure de ce ὀὁuveau cachet à
collyres.
BIBLIOGRAPHIE
BOYER R. – BEL V. – TRANOY L. et al., 1990, « Décὁuverte de la tὁmbe d’uὀ ὁcuά
liste à Lyon (fin du IIe s. après J.-C.). Instruments et coffrets avec collyres »,
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KAJANTO I. 1965, The Latin Cognomina, Helsinki.
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monde hellénistique et romain, Fr. Le Blay (éd.), Rennes, p. 133-153.
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dans l’Antiquité, M. Pardon-Labonnelie (éd.), Dijon, p. 33-49.
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SOLIN H. 1995, « Die sogenannten Berufsnamen antiker Ärzte », in Ancient Medicine in its Socio-Cultural Context. Papers read at the congress held at Leiden
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P.H. Schrijvers (eds.), Amsterdam – Atlanta, p. 119-142.
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Universitatis scientiarum Debreceniensis, 34-35, p. 389-393.
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from Morgantina », Archeologica Classica 67 (n. s. II / 7), p. 27-51.
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MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL.
UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES
Figure 1 (cliché Rémi Brageu, LAMS)
Figure 2 (cliché Rémi Brageu, LAMS)
Figure 3 (cliché Rémi Brageu, LAMS)
Eruditio Antiqua 9 (2017)
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UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES
Figure 4 (cliché Rémi Brageu, LAMS)
Figure 5 (cliché Rémi Brageu, LAMS)
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UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES
Figure 6 (cliché Rémi Brageu, LAMS)
Figure 7 (cliché Rémi Brageu, LAMS)
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Image : © Kunsthistorisches Museum,Vienna
Eruditio Antiqua 9 (2017)
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